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Lambouka, l’éclair des mers tunisiennes

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Plongée dans le cycle saisonnier de la coryphène dorée, poisson migrateur et star des filets entre août et décembre

Chaque année, dès la fin de l’été, un invité de marque fait son apparition dans les eaux tunisiennes : la lambouka, connue des scientifiques sous le nom de Coryphaena hippurus. Poisson fuselé, aux couleurs éclatantes allant du bleu électrique au jaune doré, la lambouka ne passe pas inaperçue. Mais au-delà de son apparence spectaculaire, ce poisson cache une biologie fascinante et une importance croissante pour les pêcheurs tunisiens.

Un poisson taillé pour la vitesse

La lambouka est une espèce pélagique – autrement dit, elle vit en pleine mer, généralement près de la surface. Rapide, vorace, elle se nourrit de petits poissons, de calmars et de crustacés. Sa croissance est l’une des plus rapides du règne animal marin : en quelques mois à peine, elle passe de l’état de larve planctonique à celui de prédateur redouté.

Dans les eaux tunisiennes, sa taille moyenne au moment de la capture varie de 26 cm en août à plus de 40 cm en décembre. On comprend vite pourquoi les pêcheurs l’affectionnent : son abondance saisonnière, sa combativité sur la ligne, et sa valeur marchande en font une espèce très prisée.Une saison de pêche courte mais intense

La lambouka n’est pas présente toute l’année. Sa saison tunisienne s’étale de fin août à début décembre, avec un pic d’abondance entre septembre et octobre. Cette période coïncide avec les eaux les plus chaudes de la Méditerranée, que le poisson affectionne particulièrement.

Sur les côtes de Monastir, Mahdia ou Sousse, les pêcheurs artisanaux la traquent avec des lignes à la traîne ou près des dispositifs de concentration de poissons (DCP). Ces objets flottants, parfois naturels (algues, débris), parfois artificiels, attirent de nombreuses espèces pélagiques, dont la lambouka.

Dans cette région du Centre-Est, on estime que près de 75 % des débarquements nationaux proviennent de cette pêche saisonnière. Le Nord (Bizerte, Tabarka) et le Sud (Gabès, Zarzis) voient également passer le poisson, mais en moindres quantités.

Une reproduction estivale discrète

Ce qui rend la lambouka encore plus particulière, c’est sa capacité à se reproduire très tôt, souvent à moins de six mois. En Méditerranée, la période de ponte s’étend de mai à septembre. Les œufs, minuscules et flottants, dérivent au gré des courants.

Les femelles peuvent pondre plusieurs centaines de milliers d’œufs à chaque ponte. C’est un pari sur l’abondance, mais peu de ces larves survivront. Ceux qui le font grandissent vite – une nécessité, car la mer n’accorde pas de seconde chance.

Une espèce à surveiller

Si la lambouka semble prospérer, certains signaux appellent à la prudence. De nombreux poissons capturés en Tunisie sont encore immatures, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas eu le temps de se reproduire. À long terme, cela pourrait affecter le renouvellement de la population.

Les scientifiques recommandent de fixer une taille minimale de capture, d’éviter la pêche en période de reproduction, et de mieux encadrer l’usage des DCP, parfois responsables de surexploitation.

Une opportunité bleue pour la Tunisie ?

Avec la raréfaction d’espèces traditionnelles comme le thon rouge ou certaines daurades, la lambouka pourrait devenir une alternative économique intéressante pour la pêche tunisienne. Déjà présente sur les marchés locaux, elle attire aussi l’attention de l’exportation, notamment vers l’Europe, où le mahi-mahi (autre nom de l’espèce) est apprécié.

Mais pour que cette opportunité ne devienne pas un mirage, une gestion rigoureuse s’impose. Comme le souligne un chercheur de l’Institut National des Sciences et Technologies de la Mer : « La lambouka est un don de la nature. À nous de décider si nous voulons le consommer rapidement, ou le préserver intelligemment. »

Éphémère dans sa présence, mais essentielle pour des centaines de familles de pêcheurs, la lambouka incarne à elle seule les défis de la pêche moderne en Méditerranée : tirer profit des richesses marines, tout en garantissant leur durabilité. Entre août et décembre, les ports s’animent autour de ce poisson d’or. Mais c’est toute l’année que se joue son avenir.

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